Le Pas de côté — Appel

« En deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur » — André Breton

Nous sommes en 2025, un processus est désormais visible à l’œil nu : ce qui a fait l’humain se défait sous nos yeux. Non par catastrophe spectaculaire, mais par évacuation progressive de ce qui nous constituait. Les savoirs-faire migrent dans les machines, les savoirs-vivre dans les protocoles, les savoirs-concevoir dans les algorithmes. L’extériorisation technique, qui, selon Leroi-Gourhan, permit l’hominisation, devient le vecteur de notre désindividuation terminale. A tel point — les rapports alarmants se multiplient à ce propos — que la possibilité même de formuler une pensée complexe s’étiole…

Le capital, autrement dit, après avoir dévasté la surface du monde et pillé ses profondeurs, réussit maintenant à coloniser notre territoire intérieur : nos rêves sont profilés, nos désirs calculés, nos imaginaires préfabriqués. Ce trésor de gratuité que chacun portait — la capacité d’imaginer, de rêver, de dériver… — devient marchandise. On nous vend des ersatz d’images, des prothèses d’imagination, des simulations de pensée — processus que l’IA générative parachève en produisant à notre place mots, images et idées.

Annie Le Brun a diagnostiqué ce phénomène de saturation qui provoque une paralysie de l’imagination et « ferme une à une les perspectives qu’il était jusqu’alors naturel à l’imagination de projeter au-delà des simples données objectives pour appréhender un être, un événement, une situation » (Du trop de réalité). Nous y sommes : submergés d’images qui n’ouvrent sur rien, de textes qui ne disent rien, d’informations qui n’informent de rien. La sidération remplace l’attention, le scroll la contemplation, la réaction la réflexion. De plus en plus, nous devenons les métayers de nos pensées et émotions.

Bernard Stiegler nommait cela l’époque de l’hyper-contrôle, une époque aboutissant à une société automatique où règne la bêtise systémique. Le temps lui a donné raison au-delà de ses pires anticipations. L’intelligence artificielle accomplit ce que la division du travail avait commencé : la prolétarisation généralisée, qui n’est plus seulement perte du savoir-faire, mais perte de tous les savoirs, y compris théoriques, y compris sensibles.

Plus simplement, le monde qui vient, c’est celui d’un monde où, notre temps de cerveau disponible devenu matière première du capitalisme de surveillance, nous ne saurons plus lire un livre, ni écouter le silence, mais où, partout, la bêtise autoritaire se présentera comme remède à la complexité. Un monde d’anxiété généralisée chez les jeunes, de burn-out systémiques, de dépressions massives…

Face à ce désastre, nous pourrions nous résigner ou nous divertir tant et plus, mais le choix ici proposé est plutôt celui de la reconquête patiente de ce qui nous est volé : le temps, l’attention, l’imagination, la capacité critique.

C’est le sens du Pas de côté, constitué pour le moment de 2 ateliers :

• 1. l’Atelier des images (45mn) — Contre le flux iconique qui nous gave, nous chercherons les images qui échappent. Inspirés par Annie Le Brun, nous distinguerons les images qui « arrêtent le regard » de celles qui l’ouvrent et nous traquerons ce qui, dans l’image, résiste à la marchandisation du visible.

• 2. le Groupe de lecture profonde (1h15) — Phrase par phrase, concept par concept, nous lirons des textes fondamentaux (voir la bibliographie suggérée).

Ces ateliers ne promettent rien, mais proposent au moins de maintenir vivante la flamme vacillante de la néguanthropie — cette capacité proprement humaine, selon les mots de Stiegler, de créer de l’improbable contre l’entropie généralisée. En somme, une « zone de désertion temporaire » — une brèche — où expérimenter, ensemble, une forme de résistance et de réappropriation.

23 août 2025

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Fonctionnement

- rendez-vous chaque semaine (date à déterminer)

- tenue d’un journal de bord de nos découvertes et questionnements.

- participation : 10 € pour les frais engagés (location d’une salle, etc.)

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Pré-inscription ou infos lucas.dufour@proton.me