L’atelier “Lecture profonde”
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L’économie de l’attention a transformé les jeunes en produits. Chaque notification, chaque “scroll”, chaque récompense variable (like, vue, commentaire) active les mêmes circuits neurologiques que les machines à sous. Résultat : une génération d’adolescents maintenus dans un état d’attention partielle continue, incapables de concentration soutenue, dépendants de stimulations externes pour penser. Autrement dit : ces difficultés d’attention ne relèvent pas de la paresse ou d’un manque de volonté, mais d’un environnement économique et technologique conçu pour fragmenter l’attention et exploiter les vulnérabilités du cerveau en développement.
Or, si la période de l’adolescence est un moment de vulnérabilité face aux dépendances numériques que savent très bien exploiter les industries numériques, elle représente aussi une fenêtre d'opportunité exceptionnelle pour sculpter des habitudes attentionnelles vertueuses durables. Donc, il ne s’agit pas de se contenter de limiter les écrans, on peut faire beaucoup mieux. En faisant vivre ensemble un espace « déconnecté » de résistance à l’économie des flux numériques, les lecteur de l’atelier pourront redécouvrir le plaisir de la pensée lente, développer une fierté face à cette performance, et reconquérir leur autonomie attentionnelle.
En quoi cela consiste-t-il concrètement ?
L'atelier d’1 heure commence par des séances de lecture à haute voix de 15-20 minutes pour progresser vers 45 minutes maximum. La séance s'articule autour d'une structure tripartite précise. Elle débute par un rituel d'entrée de 5 minutes avec mise à l'écart des téléphones dans une boîte fermée pour créer une transition nette avec l'univers numérique. Suit une phase de lecture à haute voix de 10 minutes où l'animateur lit un extrait choisi pendant que les participants suivent sur leur exemplaire, ce qui permet d'installer le rythme, le ton et de capter l'attention collective. La lecture silencieuse individuelle occupe ensuite 30 minutes, constituant le cœur de l'entraînement attentionnel, avec pour consigne de prendre des notes personnelles dans les marges ou sur un carnet. La séance se clôt par 15 minutes d'échange collectif où chacun partage ses réflexions, ses résistances ou ses découvertes, permettant d'ancrer la compréhension et de créer du lien social autour de l'expérience.
L'atelier de 2 heures permet une progression plus nuancée. Après le même rituel d'entrée de 5 minutes, la lecture à haute voix s'étend sur 15 minutes pour installer plus profondément l'atmosphère et permettre une meilleure appropriation du texte. La première phase de lecture silencieuse dure 35 minutes, suivie d'un premier échange de 20 minutes qui fait office de « pause active » où les participants partagent leurs premières impressions et questionnements, puis pause physique de 5 minutes. Puis même démarche pour la seconde heure, mais l’atelier se termine par un échange approfondi de 30 minutes, ce qui permet une véritable appropriation collective des idées.
Cette alternance répond aux besoins spécifiques des adolescents qui nécessitent à la fois l'entraînement solitaire pour développer l'endurance attentionnelle et l'expression collective pour donner du sens à leurs découvertes. La lecture à haute voix initiale fonctionne comme un « démarreur » qui harmonise le groupe et facilite l'entrée dans le texte, tandis que les phases d'échange transforment l'expérience individuelle en apprentissage social.
Tous les ateliers s’appuient sur des textes soigneusement choisis : essais courts mais percutants d'auteurs, des extraits traitant de préoccupations adolescentes comme l'injustice ou l'écologie, et textes questionnant directement le rapport aux écrans (par exemple : La Fabrique du crétin digital : Les dangers des écrans pour nos enfants, de Michel Desmurget, ou La civilisation du poisson rouge: Petit traité sur le marché de l'attention, de Bruno Patino). L’atelier de 2 h peut consister en une lecture au long court : la lecture d’un livre dans son intégralité pendant toute une séance si tous les lecteurs sont d’accord sur le choix du livre…
Voir les bibliographies suggérées ici :
Le groupe tient un “Carnet de bord” et chaque lecteur un “Carnet de lecture” individuel pour suivre ses découvertes et questionnements.
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