Pourquoi nos ateliers alternent-ils lecture silencieuse et lecture à haute voix ?
Pourquoi nous ne nous contentons pas de faire lire nos jeunes lecteurs en silence ? Question légitime…
Le cerveau de l’enfant n'est pas un ordinateur qui traite l'information de manière uniforme. C'est un organe complexe qui possède différents réseaux, chacun ayant ses propres forces. Quand nous alternons entre lecture silencieuse et lecture à voix haute, nous activons délibérément ces différents systèmes pour créer une expérience d'apprentissage plus riche et plus durable.
La lecture silencieuse lui permet de développer sa vitesse de traitement et sa capacité d'analyse. C'est le moment où il peut revenir en arrière, réfléchir, établir des connexions entre les idées, et véritablement s'approprier le sens du texte. Cette modalité renforce sa mémoire sémantique, celle qui stocke les connaissances à long terme.
Mais quand nous passons à la lecture à voix haute, quelque chose de magique se produit. Le jeune lecteur n'est plus seulement un récepteur passif du texte, il devient son interprète actif. En donnant vie aux mots par sa propre voix, il engage ses circuits émotionnels et découvre des dimensions du texte qui resteraient invisibles autrement. Le rythme d'une phrase, l'ironie d'un dialogue, la beauté d'une description prennent une résonance nouvelle quand elles passent par la voix.
Cette alternance reproduit d'ailleurs la façon dont nous avons tous appris le langage : en écoutant d'abord, puis en parlant, et enfin en lisant…
En somme, les neurosciences nous apprennent que l'engagement multimodal – solliciter plusieurs sens simultanément – crée des souvenirs plus robustes et des compréhensions plus nuancées. Quand le lecteur lit à voix haute, il mobilise sa vision, son ouïe, ses cordes vocales et même sa proprioception*. Cette richesse sensorielle transforme l'acte de lecture en une expérience complète susceptible de marquer durablement sa mémoire.
Loin d'être un retour en arrière pédagogique, cette alternance représente donc une approche moderne et scientifiquement informée de l'apprentissage. Elle prépare le jeune lecteur de ces ateliers Lecture profonde non seulement à être un lecteur compétent, mais aussi un communicateur confiant et un penseur profond, capable d'apprécier toute la richesse de la langue écrite.
Ce qui n’est pas du luxe par les temps qui courent… :)
La proprioception, c’est la capacité de notre corps à percevoir sa position et ses mouvements dans l'espace, sans avoir besoin de regarder. C'est ce qui nous permet de toucher notre nez les yeux fermés ou de savoir où sont nos mains même dans l'obscurité. Dans le contexte de la lecture à voix haute, c’est faire référence aux sensations physiques que ressent le lecteur quand il articule les mots : le mouvement de sa langue, de ses lèvres, de sa mâchoire ; les vibrations dans sa gorge quand il produit certains sons ; la sensation du souffle qui passe ; la position de sa bouche qui change selon les sons. Autant de sensations corporelles qui créent une mémoire kinesthésique du texte. D’où le fait que certains mots ou passages peuvent “rester dans la bouche” – littéralement ! Le lecteur se souviendra non seulement de ce qu'il a lu, mais aussi de la sensation physique de l'avoir prononcé.